Les Enfants de la Mer, de Daisuke Igarashi, est une série de bande dessinée japonaise publiée en France en cinq volumes, entre 2012 et 2014 aux éditions Sarbacane.
On y fait la connaissance de Ruka, fille du responsable d’un Aquarium situé dans une ville côtière. Le récit débute lorsque Ruka rencontre Umi et Sora, deux garçons mystérieux qui semblent entretenir un rapport très particulier à la mer.
Nous avons interrogé Frédéric Lavabre, directeur des éditions Sarbacane.
Frédéric Lavabre: Ce n’est pas notre première publication d’un roman graphique japonais, nous avons publié un an avant, Le Chien Gardien d’Etoiles, de Takashi Murakami. C’était un best-seller au Japon, un road movie bouleversant qui nous parle sans fard de la dureté de nos sociétés. Pour en revenir aux Enfants de la mer, c’est une amie japonaise qui, lors d’un salon du livre à Taipei m’en avait dit le plus grand bien. En rentrant à Paris, je me suis rapproché de l’éditeur et voilà.
L’auteur de la série, Daisuke Igarashi, avait lui aussi connu des adaptations françaises de ses ouvrages, notamment son histoire Sorcières, parue en 2006 chez Casterman.
F.L: Les éditeurs de manga connaissaient forcément Les Enfants de la Mer. En fait je pense que les éditeurs français devaient penser que le risque était trop grand de publier cinq tomes de plus de 300 pages chacun sur des thèmes assez difficiles. Risque que j’ai pris sans hésiter: cette série, au dessin extraordinaire, même sans lire le japonais, m’a tout de suite envoutée.
Ces plus de 300 pages par volume sont l’occasion pour l’auteur de développer avec subtilité et de manière évolutive les rapports de fraternité, d’amitié, et d’amour qui se tissent entre les personnages, et d’installer, doucement, un mysticisme qui va croissant le long des cinq tomes.
F.L: Pour cette série, il faut accepter le “lâcher prise”. Le rythme de ce manga est lent, la narration peut nous sembler décousue, les strates sont nombreuses… cela fonde cette œuvre.
Même si le premier tome l’annonçait en filigrane, c’est au second tome de la série que nous apparait plus clairement ce volet mystique et spirituel du rapport qu’entretiennent les deux garçons avec la mer.
F.L: Oui, le premier tome posait les personnages, avec le second on rentre dans autre chose. Et il en va de même pour les suivants: Comme dans des poupées russes, cela s’emboîte.
Le travail d’édition de Sarbacane, donnant à chaque volume une allure de bel objet, distingue Les Enfants de la mer d’autres séries japonaises, et peut nous laisser deviner que la série trouve un public hors des habitués de la lecture de mangas.
F.L: Oui, et c’est pour cette raison que je parle plus de « roman graphique », au sens européen du terme, que de manga. D’ailleurs, la version française est plus luxueuse, plus grande, le papier est plus beau… que la version originale.
Certains éditeurs qui publient des albums d’auteurs japonais dans le catalogue de collections également constituées de bande dessinées européennes (nous pouvons penser à Casterman et sa collection Ecritures) optent pour une adaptation au sens de lecture européen. Nous aurions pu nous attendre à un choix similaire pour Les Enfants de la mer.
F.L: Le choix de passer au sens de lecture européen est fait parce que dans le sens de lecture japonais, vous vous enlevez des ventes. Les éditeurs qui optent pour le sens de lecture à la française, le font pour de simples raisons commerciales. Mon diffuseur m’y a engagé: j’ai refusé.
Editeur, Frédéric Lavabre est également crédité de l' »adaptation française ».
F.L: Il y a sur cette série un très très gros travail de maquette, de nettoyage… Pour ce qui est de l’adaptation française, cela recouvre le fait que je fais faire une première “traduction brute” par une japonaise vers le français (pas vers sa langue natale donc). J’ai ainsi le canevas de l’histoire, mais après, il y a un gros travail d’adaptation pour le rendre lisible et fluide en français; travail que je fais sur cette série avec plaisir.


Les images de cet article sont copyright Daisuke Iragashi et les éditions Sarbacane.